Eternelle amoureuse des arts Cérès Franco nous a quittés

Le mois dernier encore, à 95 ans, Cérès Franco inaugurait une exposition de l'artiste Serge-David Angeloff dans les murs de l'Ehpad  Edenis La Pastellière, à Toulouse. Pensionnaire de l'établissement depuis maintenant un an, la collectionneuse d'art brut bousculait une fois de plus les codes, "pour ouvrir les yeux de ces gens qui dorment". Elle s'est éteinte quelques jours plus tard, le 16 novembre, entourée d'oeuvres d'art... comme elle l'avait été, toute sa vie.

Née au Brésil en 1926, arrivée en France à 25 ans après des études d'histoire de l'art aux Etats-Unis, Cérès Franco a collectionné, des décennies durant, les œuvres d’artistes naissants ou en devenir, à contre-courant "des académies qui nous assomment et des musées qui officialisent", confiait-elle en 2017. Imperturbable dans ses convictions. Toujours emmenée par ses émotions.

1700 oeuvres léguées de son vivant à la coopérative-musée Cérès Franco de Montolieu

Jusqu'à ces dernières années, Cérès Franco avait vécu à Paris, non loin de ce qui avait été l’abri de toute une génération de peintres et de plasticiens : sa galerie L’Œil-de-bœuf. Ces œuvres, elles, avaient quitté la capitale dans les années 90. Après avoir vécue un temps à Lagrasse, dans une maison que la galeriste brésilienne transformait en musée éphémère aux heures d’été, c'est à la cave coopérative de Montolieu, et grâce au mécénat d’Henri Foch, que sa collection avait été ouverte au public, en 2015 (*). "Un rêve", pour la galeriste avant-gardiste, devenu réalité. Insatiable, elle avait accumulé, au fil des ans, pas moins de 1700 oeuvres, entre le début des années 60 et les années 2000. Chaque année depuis, la coopérative-musée Cérès Franco propose une exposition thématique extraite de la fabuleuse collection de la galeriste.

Jeune, Cérès Franco, qui s’imaginait alors écrivaine, vouera une "fascination" à la période naïve du peintre Chagall mais aussi à Miro. Puis à Van Gogh. "Cette peinture impressionniste très forte me bouleverse", confiait-elle. Galeriste, elle fera connaître les artistes de la Nouvelle Figuration, nouera une complicité avec Jean Dubuffet, théoricien de "l’art brut". Une diversité de courants que cette amoureuse des arts a toujours revendiqué à travers ses choix. Et défendu. Dans sa collection, des signatures se mêlaient à des inconnus, sans échelle de valeur. L'important, pour Cérès Franco, était "le regard" que proposait l'artiste.

"Mettez-vous devant un tableau. Regardez ce tableau. Ce tableau vous regarde. Essayez d'établir un dialogue entre vous et le tableau", commentait-elle encore, à l'occasion du vernissage de l'exposition dans son Ehpad, le 15 octobre dernier. 

Une passion qu'elle partagera avec sa fille, Dominique Polad-Hardouin, devenue à son tour commissaire d'exposition. Complices, elles organiseront notamment plusieurs rendez-vous au sein de la coopérative-musée de Montolieu. Dominique Polad-Hardouin décédera le 1er mars 2020, emportée par la maladie. Le 30 octobre dernier, l'équipe du musée lui rendait un hommage. Ce sera la dernière apparition publique de Cérès Franco.

L'Aude perd une grande dame.

"L'Aude perd une grande dame. Passionnée et boulimique collectionneuse d'art, elle a su transmettre à notre territoire des oeuvres d'une richesse inestimable,  a confié la présidente du Département, Hélène Sandragné, à l'annonce de sa disparition. La coopérative qui porte son nom représente parfaitement cet état d'esprit et le Département de l'Aude aura à coeur de faire perdurer ce lien indéfectible avec les habitants". 

Le Département de l'Aude adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

(*) Un groupement d'intérêt public a été constitué avec la Région Occitanie, le Département de l'Aude, Carcassonne Agglo, la commune de Montolieu et l'association pour la valorisation de la collection Cérès Franco.