Pour une agriculture vertueuse et solidaire

Richard Le Masson
Inaugurée mi-septembre à Limoux, la Maison paysanne de l’Aude symbolise la force des valeurs de l’agriculture paysanne. Richard Le Masson, co-gérant et agriculteur à Camps-sur-l’Agly depuis 1974, croit plus que jamais au développement de cette agriculture respectueuse de l’environnement et solidaire.

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Pourquoi avoir créé cette Maison paysanne de l’Aude ?
Richard Le Masson Notre mouvement, composé d’une dizaine d’associations*, prône de longue date une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement, des hommes et de la biodiversité. Nous avons ressenti le besoin de mutualiser toutes nos compétences et nos forces vives. La Maison paysanne, constituée en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), est un lieu qui symbolise cette coopération et répond aux besoins des agriculteurs qui souhaitent s’installer ou désirent faire évoluer leur exploitation.


Quels sont les bénéficiaires de cette maison ?
La Maison paysanne va permettre de démultiplier nos actions. Chaque association apporte sa compétence en un seul et même lieu. Les premiers bénéficiaires sont les porteurs de projets d’installation agricole : nous en comptions 80 il y a 20 ans, ils sont désormais en moyenne
300 par an. Les paysans qui veulent transmettre leur ferme ou ceux qui veulent se diversifier vont trouver ici des réponses. D’autres auront accès à des formations, en comptabilité par exemple, avec l’Association de formation collective à la gestion (Afocg 11). L’association Solidarité paysans, elle, vient en aide aux agriculteurs en difficulté. C’est tout le sens de l’agriculture que nous défendons : sociale et solidaire. Les citoyens aussi peuvent trouver un carnet d’adresses de producteurs et les collectivités nous sollicitent pour créer des marchés de producteurs. Certaines, comme Couiza, ont déjà pris des parts dans la SCIC, d’autres comme Limoux ou Duilhac-sous-
Peyrepertuse vont bientôt le faire.

Parmi vos projets, l’épicerie ambulante est déjà un vrai succès ?
Elle est née pendant le confinement et met en lien paysans et consommateurs. Les commandes sont passées sur le site www.cagette.net. Des salariés et des bénévoles assurent la distribution. L’épicerie paysanne dessert 26 villages pour une moyenne de 80 paniers. Dans une société en crise, consommateurs et collectivités se tournent vers l’agriculture paysanne pour des questions d’environnement, de santé, d’énergie... Le Département de l’Aude fait lui aussi un gros
travail sur le bio avec la restauration collective. Au collège Joseph-Delteil, à Limoux, trois quarts des repas proposés sont composés de produits locaux.

L’agriculture paysanne est dans l’air du temps.

Vous travaillez aussi sur un projet d'abattoir ambulant, l’Abat’Mobi, un projet élu par les Audois·es lors du budget participatif ?
Ce projet est né dès 2018 de la volonté de paysans d’aller au bout de l’acte d’élevage : de la naissance à la mise à mort de l’animal. Une commission thématique de la Maison paysanne d’une dizaine d’éleveurs est mobilisée sur ce dossier. L’idée est de disposer d’un abattoir mobile dans un camion qui se déplacerait sur le territoire pour abattre et dépecer ovins et caprins, sans découpe. La prochaine étape sera le travail à mener pour l’obtention d’un agrément avec l’objectif de finaliser le projet en 2021. Notre projet d’Abat’Mobil, proposé au budget participatif de l’Aude, est arrivé en tête en nombre de voix, avec 937 suffrages.

Pensez-vous que le regard sur l’agriculture paysanne a changé ?
Oui, il y a 30 ans, le commerce et l’industrie étaient forts. Aujourd’hui, l’agriculture paysanne s’est renforcée. Elle est dans l’air du temps. Nous répondons, je crois, à des attentes sociétales. L’agriculture paysanne est difficile et chronophage. Malgré cela, elle attire de plus en plus de citadins qui veulent s’installer ou reprendre des exploitations dans notre département. J’ai 72 ans
et je suis plus que jamais motivé pour continuer. Cela prouve que nous ne nous sommes pas trompés quand nous nous sommes installés ici.

* Association pour le développement et l’emploi agricole et rural de l’Aude (Adear 11), Confédération paysanne, Terre de liens, Accueil Paysan, Association de formation collective à la gestion (Afocg 11), Solidarité Paysans 11-66, Graines de paysan, Nature et Progrès 11.

Biographie de Richard Le Masson
> 1948. Naissance à Cosne-Cours-sur-Loire, dans la Nièvre.
> 1968. Une année vécue comme une « deuxième naissance » par Richard, alors étudiant en sociologie à Tours. Il décrochera une maîtrise.
> 1974. Installation au hameau de La Bastide, à Camps-sur-l’Agly, avec un élevage d’ovins.
> 1980. Il est champion de France de rugby (3e série) avec le C.O. Couiza.
> 1983. Il élève des vaches allaitantes de race gasconne dans un GAEC et crée un gîte d'étape sur le sentier cathare en 1987.
> 1999. Il devient président d’Accueil Paysan Aude-Pyrénées-Orientales. Il avait rejoint le Syndicat montagne de l'Aude dès 1976, l’association ESPERE en 1992 avant la création
de l’Adear de l'Aude en 1998.